Pourquoi devient-on psy 04 – 12ans 1ère année de pension. 2

Je suis au dernier étage d’un immeuble en plein centre de Bruxelles…

j’ai découvert une toute petite fenêtre qui par je ne sais quel oubli, n’a pas été scellée .
C’est devenu ma fenêtre à moi, mon secret. Quand je veux m’y rendre je me comporte comme un sioux …
Pour ne pas me faire repérer, je fais des détours par les sombres couloirs des caves dont toutes les portes sont alourdies de gros cadenas…Cela me donne accès à un escalier peu fréquenté, mais m’oblige à traverser la salle de sciences où le vieux squelette m’attend pour me faire peur…l’hiver à la fin des cours quand  le noir s’expanse sournoisement à l’intérieur du bâtiment …c’est encore plus flippant.

De ma fenêtre je respire l’odeur de la ville, les gaz d’échappement des voitures  et cette odeur caractéristique des trolleybus électriques qui peinent à monter la rue…quel délice, ça sent la liberté.
Quand j’ai pris ma dose, je me précipite vers le réfectoire, car nous sommes surveillées comme des repris de justice ..On doit toujours être ensemble , les 38 pensionnaires n’existent qu’ensemble, on nous recompte sans arrêt , à chaque détour de couloirs , à chaque changement d’espace . Celle qui nous compte est une forme grise surmontée d’une coiffe blanche , c’est une forme impersonnelle qui ne parle pas . Elle frappe dans les mains pour nous rappeler à l’ordre . Cette forme ne marche pas, elle glisse sur le sol …heureusement elle a une estafette sonore qui la précède : c’est son chapelet …une sorte de grande corde à sauté avec des boules noires qui s’entrechoquent …l’ensemble  soutient un crucifix qui malgré les chocs n’est pas encore parvenu à tomber de sa croix ….

On nous conduit du réfectoire au dortoir .

Arrivé devant la grande porte les 38 se coupent en deux …les grandes à gauche, les petites à droite …je fais partie des petites j’ai 12 ans. On pourrait croire que mes parents m’ont placé dans une maison de redressement …détrompez-vous , je suis dans un internat pour filles de bonnes familles . Et si ma mère a choisi de me placer chez «  les Filles de la Sagesse » c’est parce que j’ai une arrière tante que je ne connais pas et qui toute jeune s’est fait happer par cette confrérie drastique bon chic, bon genre . Ma mère espère que cette prérogative m’apportera un peu de douceur dans ce quotidien austère déshumanisé .

Le dortoir est un ensemble de petites cages mises dos à dos , fermées par un rideau . Si je vous disais que je n’ai jamais su le nom de la fille qui occupait la chambrée au dos de la mienne, alors qu’on aurait pu se dire bonsoir par-dessus la cloison, il suffisait de monter sur son lit…oui, mais  au moindre bruit suspect le rideau était arraché vers la droite et le bruit du chapelet faisait irruption dans la chambre…Mademoiselle Dinant vous serai privée de sortie lors du prochain week-end …Comme ma mère s’était laissé convaincre qu’une sortie tous les 15 jours était bénéfique à mon éducation…je venais d’en prendre pour un mois à aller sniffer la rue pour ne pas me pendre au bout d’une corde .

Durant cette première année chez les filles de la sagesse

j’ai appris à obéir , à vivre en groupe , à mettre provisoirement mon ego en sommeil…mais j’ai découvert la manipulation …comment obtenir une faveur alors que c’est interdit …comment avoir des yeux d’ange quand la supérieure vous questionne alors que vous venez de déposer  une boule puante sous son coussin dans la chapelle. Mais je cherchais mes repères et je découvrais les faiblesses de ces femmes ensevelies et je n’avais aucune difficulté à concevoir la partie cachée de l’iceberg …en cela j’ai hérité de l’esprit contestataire  et anarchiste de mon père qui ne croit ni en dieu ni au diable .

En fait c’est là que j’ai manifesté pour la première fois mes polarités .
Pour ma mère je devais apprendre à m’intégrer dans cette confrérie bien-pensante de femmes extraordinaires et faire en sorte de me noyer dans la relation …c’est par l’obéissance et le don de soi qu’on se crée une vie riche et généreuse .
Alors que pour mon père je devais apprendre à faire face à ces hypocrites pour développer mon ego et mon sens critique .
Et mon sens critique , je l’ai développé…mais l’année suivante.

Cette première année « d’internement » m’a permis d’asseoir les bases de ma personnalité :
-dire toujours le fond de sa pensée, ne pas tricher par convenance ou par convoitise.
– Lutter contre l’injustice …aider ceux qui en sont les victimes
– Travailler, avoir un projet de vie …faire de sa vie une œuvre d’art…
– Toucher à tout , ne pas se mettre de limites …ma liberté s’arrête là où j’empiète sur le territoire de l’autre.

C’est la fin d’ l’année et je me vois dans les Ardennes chez ma grand-mère maternelle

, celle que j’appelle ma mémère …je viens de finir ma première année du secondaire et je suis en vacances pour deux moi  au bord de la Semois . Quand on a 13 ans , deux mois c’est l’éternité, on pense qu’on n’en verra jamais le bout , alors je m’élance avec mon vélo sur les routes bien asphaltées des Ardennes .  J’ai accroché des cartes à jouer sur les rayons  avec des pinces à linge …ça pétarade quand je prends de la vitesse, j’adore , cela me donne un sentiment de puissance et d’invulnérabilité …je suis la reine de la route, je me noie dans le vent …quelque chose me transporte à l’intérieur de moi , je ressens les premiers émois  de la puberté sans savoir que c’est cela qui m’arrive…et je me surprends à regarder les garçons avec d’autres yeux…mais j’enfouis aussitôt  mes pensées, car j’ai honte.

Ces grandes vacances de mes 13 ans  ressembleront  aux grandes vacances des années passées  mis à part les 3 derniers jours  dédiés à la fête du village .

Entre 5 et 10 ans,  je ne trouvais pas la fête du village très exaltante, car ma grand-mère pour se faciliter la vie me  prenait un abonnement à la « chenille ». Conclusion je passais 3 jours dans ce manège qui donne mal au cœur et je regardais avec envie les enfants qui se désarticulent les omoplates pour attraper la floche afin de gagner un tour gratuit …moi je n’y avais plus droit , j’étais une privilégiée……. Alors je me mettais à rêver des balançoires.

Maintenant que j’ai 13 ans je gère mes petits sous et je partage mon adrénaline entre la chenille, les balançoires et le tir à la carabine .
Depuis hier il y a une nouvelle tête dans le paysage, elle est plantée au sommet   d’une grande perche à haricots …la tête ne parle pas, ne souris pas, elle me regarde. Moi qui suis taquine et qui n’ai pas ma langue dans ma poche j’ai envie de le titiller …alors je fais des « messes basses » avec ma copine , histoire de lui faire savoir que je ne suis pas indifférente à l’intérêt qu’il me porte .
Qu’est –ce que je me sens bien , j’ai l’impression que tout le monde à vu qu’un garçon me suit partout…je me sens la reine de la fête …je suis devenue une jeune fille, comme dirait ma mère .

C’est seulement le lendemain vers 11 heures qu’il est venu se glisser à côté de moi devant le stand de tir et c’est au bout d’une demi-heure d’immobilité muette qu’il m’a dit : « on marche un peu » ma  tête a fait signe que « oui » et on a marché l’un à côté de l’autre en silence. Nos pas nous ont conduits tout naturellement au bord de la Semois en un lieu des plus romantiques qui porte le nom magistral de «  la pierre du diable » là il a bien fallu s’arrêter de marcher sans quoi on tombait dans l’eau …. Il a mis son bras autour de mes épaules et j’ai perdu la sensation de mon corps, je ne savais plus ou étaient mes jambes…puis au bout d’une heure qui m’a semblé être 5 minutes il a posé ses lèvres sur les miennes et il a introduit sa langue dans ma bouche …wawwwwwww qu’est-ce que c’est doux !!!! aucune fille de ma classe ne savait qu’un baiser, ça se fait avec la langue …c’est dégueulasse, mais qu’est-ce que c’est bon …je vais en avoir des choses à raconter . Et puis on a marché dans l’autre sens pour se débarrasser des fourmillements du corps …on est revenu au point de départ…il a dit  « au revoir, mes parents m’attendent » et j’ai répondu « moi aussi»  …en s’éloignant il encore dit : « je m’appelle René »…j’ai trouvé que c’était le plus beau des prénoms,  ça m’a coupé le souffle et mon prénom à moi n’est pas sorti de ma gorge…il est parti sans savoir comment je m’appelle.

 

Il est 3 heures de l’après-midi je picore

ce que ma grand-mère à réchauffé pour la troisième fois …toute la famille a terminé le dessert depuis longtemps , mes parents m’envoient des yeux révolvers ils veulent montrer aux oncles et tantes qu’ils ont le dessus sur moi …je les laisse dans leurs illusions de pouvoir , ils ne savent que je viens de vivre la plus importante expérience de ma vie …je suis
passée du sexe indéfini de l’enfance  au sexe défini de femme .

Puis tout à coup…tout le monde m’embrasse et me souhaite bon retours ,les vacances sont finies… ma grand-mère verse des larmes de circonstance en appuyant sur la gâchette de son photobox Kodak pour immortaliser l’instant…elle est la seule femme au village à avoir un appareil photo et elle le fait savoir à tout le monde .

Puis mon père me pousse à l’arrière de la voiture …

«  attends qu’on soit à la maison , tu vas voir ma petite fille» ….Quoi qu’il dise cela ne m’atteint plus , dans ma bouche je fais des ronds avec ma langue, je caresse l’intérieur de mes joues et j’entre au paradis de la volupté .

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